25 janvier 2013
Le Parti Libéral du Québec de Jean Charest avait déjà une certaine expérience des mouvements de contestation avant la grève étudiante de cet hiver. En plus d'avoir engendré la grève étudiante de 2005, ce gouvernement a aussi fait face aux oppositions populaires concernant la centrale thermique du Suroît, la privatisation du Mont Orford, les gaz de schistes et la commission d'enquête sur la corruption, pour n'en citer que quelques-unes. Il savait donc à quoi s'en tenir en annonçant en février 2010 une hausse des frais de scolarité. Les stratégies du gouvernement semblaient donc prêtes pour le duel qui se préparait.
Nous ne devrions pas être surpris et surprises, car les stratégies mises en œuvres par Jean Charest n'ont rien de nouveau. Elles doivent par contre être connues et prises en compte pour mieux voir venir les coups et ainsi améliorer l'organisation d'une lutte. En général, ces stratégies passent par deux grandes étapes : cibler en premier lieu les forces contestataires pour mieux freiner la controverse et deuxièmement, si l'opposition persiste, les isoler le plus possible.
Être l'acteur dominant et éclairé
Le gouvernement tente de dissiper tous doutes quant à sa prétendue légitimité pour ainsi mieux dominer le discours. Le but principal est de réduire au maximum la légitimité du mouvement étudiant tout en tentant de convaincre une majorité de la population, dont les étudiants et les étudiantes. Différent-e-s ministres libéraux et libérales étaient sur toutes les tribunes pour vanter la hausse des frais de scolarité. Chaque élu-e connaissait le dossier et pouvait le défendre. C'était évidemment une façon de s'imposer comme le parti le plus éclairé dans le débat. À maintes reprises, nous avons pu les entendre prononcer qu'en tant que « gouvernement responsable, il n'avait pas le choix » d'agir de cette manière. Margaret Thatcher utilisait cette même formulation pour défendre ses mesures d'austérité aux Royaumes-Unis quelques années auparavant. Hasard? C'est plutôt une manière facile d'entrer dans la tête des gens que le gouvernement s'est assuré d'évaluer toutes les avenues mais celle-ci est la seule voie possible sans pour autant le prouver concrètement et rigoureusement. Suffit simplement d'y porter une légère attention pour comprendre que ce n'est strictement idéologique comme choix puisque des moyens pour financer l'éducation il en existe d'autres.
Éviter le pire
Le gouvernement le sait; il doit éviter la grève générale illimitée sans quoi sa mesure d'hausser les frais de scolarité pourrait être mise en péril. La répétition, ad nauseam, qu'une grève étudiante engendre une perte de session est utilisé à tout coup pour instaurer la crainte chez les étudiantes et les étudiants alors que jamais cela ne s'est produit. De cette façon, on tente de nous désolidariser, de nous faire peur en amenant la question de la réussite scolaire et de réduire nos actions de contestation à des évènements violents privés de sens. Ce duel s'est prolongé de manière inattendue soit, mais certainement pas de manière anodine. L'objectif était bel et bien de nous épuiser et de nous faire perdre espoir dans la réussite de notre but : bloquer la hausse des frais de scolarité.
Isoler la communauté étudiante
Face au nombre croissant en grève et à la multiplication des actions de perturbation, les libéraux se lancent dans une campagne de salissage de la classe étudiante. L'idée est de convaincre qu'il s'agit du combat du « Bien contre le Mal ». Les étudiants et les étudiantes deviennent donc les méchants qui, par égoïsme et irresponsabilité, s'attaquent au reste de la population québécoise. En premier lieu, les actions, que le gouvernement décrit comme violentes plus souvent qu'autrement, sont présentées comme des menaces pour la sécurité de la population. Heureusement, les forces de l'ordre (le Bien) sont présentes pour faire leur travail. De plus, on remarque que le gouvernement déforme l'argumentaire étudiant. Il tente de nous diaboliser en affirmant que de vouloir empêcher la hausse des frais de scolarité ou même défendre une perspective de gratuité scolaire résulterait à une augmentation d'impôts et de taxes pour la classe moyenne alors que nos revendications étaient claires : retour de la taxe sur le capital et retour de dix paliers d'impositions au lieu de trois. Deux mesures qui, justement, épargnaient cette classe sociale.
Le sens des mots
Il est tout à fait volontaire dans une optique de délégitimer un mouvement de contestation qui devient de plus en plus fort que les élu-e-s utilisent certains termes bien spécifiques. L'objectif est, encore une fois, de tenter de réduire la crédibilité et la notoriété des grévistes. Ainsi, le choix du mot boycott au lieu du mot grève visait à défaire l'aspect collectif du mouvement. Ceci illustre bien la tentative du gouvernement de limiter la grève à une contestation de quelques individus seulement, et rien de plus.
Nous pouvons remarquer le même procédé avec les différentes significations que l'on peut donner au concept de démocratie. Combien de fois avons-nous entendu le Parti Libéral répéter que ses mesures devaient être respectées car les Québécoises et les Québécois l'avaient élu LUI par un processus électoral où tout le monde pouvait participer? D'ajouter par la suite que les assemblées générales sont truquées, ou encore que la participation n'est pas assez grande? Pourtant, cette instance permettait à tout le monde de prendre parole, d'amener sa vision, de rendre meilleures les propositions et puis de se positionner sur la question selon des règlements et des procédures strict-e-s. Ceci ne reste qu'une stratégie pour supprimer la crédibilité étudiante aux yeux des citoyennes et des citoyens tout en remontant l'image dominante de l'État.
La négociation
Surpris par notre entêtement à maintenir un principe qui nous est cher, le gouvernement choisit, au début, de ne pas négocier. En initiant le processus de négociation, le parti libéral résout un problème qu'il a lui-même généré : « la non-négociation ». Il paraissait davantage de bonne foi à ce moment et donne l'impression de déjà reculer sur ses principes alors que cela n'a rien à voir avec le problème initial : le fait de financer nos universités par des hausses de frais de scolarité.
Le gouvernement fait face à deux choix pour ces négociations : négocier un compromis sur le fond du problème ou négocier un processus de sortie de crise. C'est bel et bien cette dernière option qui a été choisie. De par cette stratégie, les libéraux n'avaient pas à plier sur leurs décisions initiales et pouvaient amener la partie étudiante dans le piège de la « culpabilité », c'est-à-dire d'essayer de montrer au reste de la population que nous sommes malhonnêtes et que nous ne voulons pas vraiment résoudre le « quiproquo ».
S'ajoute à cela la tentative de présenter des offres complexes pour qu'elles soient plus difficiles à saisir et à expliquer en assemblée pour que, du même coup, nous ne passions pas par cette voie pour les faire adopter.
La grande finale
Suite à l'accumulation des stratégies qui semblent plus ou moins fonctionner, une étape finale demeure : la loi spéciale suivi d'une campagne électorale. Égratigné à plusieurs reprises par la grève qui n'était plus seulement étudiante, mais bien devenue une lutte populaire au Québec, Jean Charest voulait essayer de faire baisser la pression populaire qui lui enlevait une certaine apparence de contrôle en tant que « chef d'État ». La loi spéciale, utilisée à maintes reprises par d'autres gouvernements (autant du PQ que de l'Union Nationale) pour réprimer violemment des mouvements syndicaux forts, prend cette fois-ci plutôt un rôle d'artifice dans une perspective électorale. L'élection qui sera déclenchée deux mois et demi après l'adoption de cette loi spéciale confirme ceci comme l’ultime façon de nous faire taire.
Malgré notre succès à faire échec aux stratégies gouvernementales, nous ne devons pas les oublier dans les années à venir. Les élites politiques continueront de faire dévier les débats pour que nous ne les abordions qu'en surfaces. Il ne faudrait pas non plus nous méprendre avec le nouveau gouvernement en place ; bien que certains mécanismes puissent différer , l'essence stratégique restera la même.
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