6 octobre 2005
L’équité salariale est encore une fois mise de côté par le gouvernement provincial, le Premier Ministre Jean Charest offre aux employéEs du secteur public 12,6 % sur 6 ans tout en y incluant l’équité salariale. En fait, cette offre signifie, que les emplois traditionnellement féminins vont avoir une augmentation salariale, mais tous les types d’emplois du secteur public aussi. Un simple 4% est alloué pour contrer les discriminations salariales et toutes autres modifications dans les conventions collectives. Donc, il n’y a aucune volonté du gouvernement pour contrer le problème de la division sexuelle du travail.
Ce que semblent oublier les libéraux est que l’équité salariale est un droit acquis pour toutes les femmes. Ce principe fondamental est inscrit dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne qui a été adoptée en 1976. Cette charte mentionne qu’il est interdit d’exercer une discrimination salariale basée sur le sexe. Depuis 1996, il existe une Commission de l’équité salariale qui veille à l’application de ce droit. Pourtant, selon Statistique Canada, en 2001, les hommes gagnaient en moyenne près de 38 000 $ par année et les femmes, 24 700$. Les diplômés universitaires hommes gagnaient en moyenne 72 000$ et les femmes 48 260$. De plus, le salaire horaire des femmes ne correspond qu’à 81% de celui des hommes.
Les luttes syndicales en matière d’équité salariale visent des réajustements salariaux pour les emplois dits traditionnellement féminins. La revendication première des syndicats nationaux est « Un salaire égal pour un travail équivalent entre les emplois à prédominance féminine et les emplois à prédominance masculine » [1]. La réelle bataille sur les discriminations salariales a débuté avec la CSN en 1986. Les luttes sont principalement menées par la voie juridique et par la voie de la négociation. Les divers documents historiques de la CSN relatent l’énorme bataille des militants et surtout des militantes en ce qui concerne la justice salariale.
En 1986, on voit apparaître les premières formes de négociations sur la question de l’équité salariale dans les conventions collectives du secteur public. Ensuite, en 1987 une série des plaintes sur les discriminations salariales de sexe est déposée à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Le 27 mai 1989, c’est la première manifestation en faveur de l’équité salariale, la grande manifestation nationale se déroule à Montréal et des réajustements salariaux sont versés pour quelques emplois féminins. En 1992, une deuxième série de 73 plaintes est déposée au gouvernement et en 1993 d’autres négociations intenses permettent des rajustements salariaux pour d’autres emplois qui n’avaient pas été visés par les réajustements du passé.
L’année 1996 est une date charnière dans les négociations puisque le gouvernement adopte la Loi québécoise sur l’équité salariale et il y création de la Commission de l’équité salariale. En 1997, les employeurs sont obligés de réaliser un programme d’équité salariale. En 1998, le gouvernement recule, il dépose un rapport à la Commission de l’équité salariale afin d’exempter certains employeurs, dont le gouvernement du Québec, s’ils prétendent avoir fait une comparaison entre les emplois féminins et les emplois masculins. Les militants et militantes syndicales s’opposent fermement à cette modification de la loi et 25 000 cartes dénonciatrices sont déposées au Conseil du trésor pour réclamer un vrai programme d’équité salariale. Huit mois plus tard, suite aux moyens de pression, le gouvernement décide de négocier.
En 2001, le front commun CSN, CSQ, FTQ, FIIQ et SFPQ se regroupent pour poursuivre les démarches de la CSN sur l’équité salariale. Le gouvernement et l’intersyndicale s’entent sur un processus qui permettra d’identifier des catégories d’emplois et déterminer leur prédominance sexuelle. En 2002, un énorme travail d’enquêtes terrain s’enclenche auprès de 10 000 personnes, dans plus de 600 catégories d’emplois et dans divers lieux de travail sur tout le territoire québécois. En 2003, c’est la compilation des données et c’est l’arrivée au pouvoir des libéraux. Un millier de manifestantes et de manifestants se rassemblent devant l’Assemblée nationale à Québec pour rappeler l’importance de la question salariale. Certains réajustements salariaux qui étaient attendus depuis 2000 sont faits, mais sans plus. En 2004, c’est une grande victoire juridique pour les femmes, la Cour supérieure du Québec donne raison aux syndicats en ce qui concerne le défilement de certains employeurs à la loi, donc maintenant tous les employeurs devront appliquer la loi. Le front commun désire poursuivre les négociations et tente d’obtenir plus. Cette année, 2005, en vertu de la loi, un comité d’équité salariale regroupant les divers syndicats est mis en place. L’affichage du programme d’équité et de la loi est devenu obligatoire dans les divers milieux de travail. Cela permet aux femmes de se renseigner et de donner des commentaires au comité.
L’histoire des gains en équité salariale démontre bien que les divers gouvernements québécois ne sont pas pressés d’abolir les inégalités salariales et sexuelles. La loi sur l’équité salariale, qui date de 1996, comprend quatre étapes, mais seulement deux étapes ont été réalisées. Le calcul des versements et les modalités de versements ne sont toujours pas élaborés. Les syndicats aussi semblent mettre de côté leur lutte en matière de condition féminine, puisque la contre-offre présentée au gouvernement n’inclut pas de modalités sur l’équité salariale. Ils demandent 13,5 % sur cinq ans et demi en excluant l’équité salariale, mais n’ont rien proposé de concret pour enfin obtenir cette égalité. La bataille syndicale en matière d’équité salariale qui dure depuis 20 ans serait-elle une lutte oubliée ?
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