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    LA PRIVATISATION DE LA SANTÉ : LES PROJETS DE LOI 10 ET 20

    20 mai 2015

    Par Samuel-Élie Lesage, étudiant à la maîtrise en philosophie, CRAA

    Ils ont fait les manchettes et suscitent beaucoup de résistance dans le milieu de la santé : les projets de loi 10 et 20 du ministre de la Santé Gaétan Barrette ont de quoi nous concerner et nous inquiéter. Mais au-delà des phrases simplistes comme : « On s’occupe des structures, puis des services », en quoi consistent ces projets de loi ? Comment sont-ils liés aux politiques d’austérité et pourquoi sont-ils dangereux pour la population ?

    Le contexte sociopolitique en est un, on le sait, de rigueur budgétaire et de déficit zéro : face à la dette du Québec qui ne cesse de s’alourdir et qui risque de tout détruire, il faut réduire les dépenses: comment alors desservir des services de santé alors qu’on limite leur financement ? C’est dans cette optique qu’il faut comprendre chacun des projets de loi. Ils s’inspirent directement de la Nouvelle Gestion Publique (NGP), une conception particulière du travail et de son organisation que l’on retrouve dans les écoles des sciences de l’administration. La NGP défend qu’un service public et une entreprise privée sont en fait la même chose, soit qu’ils vendent des services à des clients et des clientes qui veulent être satisfaits et satisfaites.

    Il faut donc gérer les services publics comme s'il s'agissait d'entreprises privées : chaque dollar investi doit en valoir la peine, les ressources humaines doivent travailler au maximum de leurs capacités et la sous-traitance privée est de mise pour dynamiser les services. La NGP promet de donner des services plus efficaces pour moins cher, mais en fait, aucune étude économique sérieuse ne permet de démontrer cela. En fait, c’est bien l’inverse qui se produit : les conditions de travail des employé-e-s se détériorent et l'on n’arrive pas à contrôler l’augmentation des dépenses. En d’autres mots, la NGP mène directement à la privatisation des services publics1.

    Appliquée au domaine de la santé, le but de la NGP est de réformer les services de santé sur le modèle de l’entreprise privée afin que ces derniers soient plus performants et coûtent moins cher. C’est ce qu’on appelle la privatisation du système de santé : en réduisant son financement, on le fait fonctionner comme une compagnie privée: ça entraine davantage de coûts et une baisse d’accessibilité. Tout cela pour faire plaisir au secteur privé de la santé qui rêve de faire du profit sur nos maux.

    Le projet de loi 10

    Le projet de loi 10, Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales, adopté sous le bâillon le 9 février, promet des économies de près de 220M en fusionnant les 128 Centres de Santé et de Services Sociaux (CSSS) en 33 méga Centres Intégrés de Santé et de Services Sociaux (CISSS). De plus, la loi 10 abolit les agences régionales dont la responsabilité était de gérer les différents établissements de chaque région administrative du Québec pour confier ces responsabilités aux CISSS. Finalement, le ministre de la Santé obtiendra de très importants pouvoirs pour s’ingérer directement dans l’administration quotidienne du système de santé, notamment en nommant les responsables des CISSS.

    Ce n’est pas la première fois que l’on fusionne en espérant réduire les coûts : en 2004, Philippe Couillard, alors ministre de la santé, fusionna divers établissements pour créer les CSSS: tout le réseau de la santé dénonça ces fusions, qui ont engendré beaucoup de confusion et d’augmentation des dépenses, sans pour autant améliorer l’accès ou la qualité des soins. Fusionner, c’est la même rengaine libérale qui se répète. Cependant, le projet de loi 10 est beaucoup plus insidieux.

    Barrette ne s’en cache pas, le projet de loi 10 et la création des CISSS sont inspirés du fonctionnement de la compagnie privée américaine de santé Kaiser Permanente2. La compagnie fonctionne avec la méthode Lean, c’est-à-dire que chaque action professionnelle des employé-e-s de la santé est chronométrée à la seconde. Ce régime est extrêmement déshumanisant et augmente considérablement les risques d’accidents au travail3 : le ministre Barrette a l’intention de l’appliquer à l’entièreté des CISSS.

    Aussi, le projet de loi 10 encourage la sous-traitance des services secondaires, comme la cuisine, la buanderie ou l’informatisation. Ce n’est pas pour rien que la Fédération des chambres du commerce du Québec a salué le projet et a promis la contribution du privé aux réformes de Barrette. En effet, en créant des mégastructures, on change tout le fonctionnement des anciens CSSS, et au lieu d’investir pour créer une nouvelle expertise publique, on préfère se fier au privé en espérant que ça coûte moins cher. Pourtant, c’est exactement l’inverse qui se produit, comme l’histoire de la création des CSSS en 2004 le démontre : cela provoque une augmentation des coûts et une perte d’autonomie des pouvoirs publics.

    Le projet de loi 10 met la hache dans la santé publique4: des réductions drastiques dans la recherche (moins de 2% du budget de la Santé finance la santé publique, et ce chiffre risque encore de baisser, alors que l’Organisation Mondiale de la Santé recommande au moins 5%5). Or, sur le moyen terme, c’est la capacité du système de santé à répondre à des crises et à informer la population qui baisse. En d’autres mots, les problèmes de santé augmenteront et la population devra fréquenter davantage les centres hospitaliers, ce qui va susciter encore plus de dépenses.

    Finalement, en créant ces mégastructures, on réduit l’accessibilité aux soins, surtout dans les régions. Quant aux pouvoirs accrus du ministre, ceux-ci sont démesurés et empêchent la population de participer démocratiquement aux décisions institutionnelles. La récente crise du CHUM en est un exemple : en utilisant le chantage et l’intimidation, et en s’ingérant dans la gouvernance indépendante de l’institution, le ministre Barrette veut éliminer tous les obstacles qui se dressent devant lui6.

    Le projet de loi 20

    Selon Barrette, les médecins de famille ne travailleraient pas assez. Selon une étude réalisée par la Fédération des médecins spécialistes du Québec il y a quelques années, les médecins de famille (omnipraticiens et omnipraticiennes), travailleraient moins, beaucoup moins, que ce que l'on attend d’eux et elles. L’idée du projet de loi 20, la Loi édictant la Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée, est simple : imposer des quotas aux médecins de famille et s’ils et elles ne les respectent pas, leur salaire sera réduit. Barrette ayant avoué que l’étude avait été falsifiée alors qu’il était le président de la Fédération, on peut se demander comment il peut encore défendre son projet…

    De nombreux acteurs et de nombreuses actrices de la santé sont d’accord pour dire qu’il existe un problème d’accessibilité aux médecins de famille au Québec. La solution de Barrette consiste tout simplement à forcer les médecins de famille à travailler plus. Or, selon elles et eux, les dispositions de la loi 20 les forceraient à n’accorder que 10 minutes par rendez-vous, et les obligeraient à suivre un immense nombre de dossiers en même temps… C'est plutôt la mauvaise distribution des médecins sur le territoire et le vieillissement de la population qui expliqueraient la baisse de productivité des médecins de famille.

    Non seulement la loi 20 nuit à la qualité des soins, mais rien ne laisse présager que leur accessibilité sera augmentée. En effet, des médecins pourraient être davantage tenté-e-s de rejoindre le privé et des étudiants et des étudiantes en médecine pourraient décider de se spécialiser plutôt que de travailler dans des conditions de travail aussi difficiles.

    Finalement, la logique de Barrette est particulièrement perverse. Il traite les médecins de famille de fainéant-e-s et de bébés gâtés et entretient la désolidarisation à leur égard. De la même manière que cela a été fait aux étudiantes et aux étudiants en 2012, il leur demande leur juste part.

    C’est se payer notre tête : un mouvement contre l’austérité et la privatisation des services publics doit s’organiser coûte que coûte contre les réformes mortifères des libéraux. Non seulement leur projet est mensonger et voué à l’échec, mais il s’agit de notre bien-être qui est en jeu. La réduction de l’accessibilité et de la qualité des soins a des effets directs sur les femmes, les moins nanti-e-s, les autochtones, les retraité-e-s, les enfants, et alourdit les dépenses en santé. Des solidarités doivent être entretenues avec le milieu de la santé pour renverser l’état actuel des choses et mettre en place un système de santé public et véritablement démocratique.

    1 Sur la Nouvelle Gestion Publique et ses liens avec la privatisation des services publics :Merrien, François-Xavier. « La Nouvelle Gestion Publique : un concept mythique », Lien social et Politiques, n. 41, 1999, p. 95-103

    ASSÉ. « Chapitre 6 - Les fondements de l’austérité budgétaire », À qui profite l’austérité budgétaire ?, Argumentaire 2013-2014, http://www.austerite.org/assets/pdf/fr/argumentaire.pdf, p. 29 à 31

    2 Bélair-Cirino, Marco. « Le spectre d’un superministre effraie », Le Devoir, 26 septembre 2014, http://www.ledevoir.com/politique/quebec/419566/sante-le-spectre-d-un-super-ministre-effraie

    3 Sur la méthode LEAN, voir la recherche de l’ASSÉ sur le baccalauréat obligatoire en soins infirmiers : ASSÉ. « Le baccalauréat obligatoire en soins infirmiers : un projet nuisible », avril 2014 http://www.asse-solidarite.qc.ca/wp-content/uploads/2014/05/craa-asse-bacc-obligatoire-en-soins-infirmiers.pdf

    ASSÉ. « Évolution des services publics au Québec, enjeux et perspectives », Argumentaire 2014-2015, http://www.asse-solidarite.qc.ca/wp-content/uploads/2014/09/argumentaire-2014-2015-v1p0.pdf.

    4 La santé publique consiste en la recherche en santé, en sa promotion, ainsi que la prévention et la préparation à d’éventuelles crises sanitaires.

    5 Organisme Mondial de la Santé (OMS), « How Much Should Countries Spend on Health? », No. 2, 2003, p. 9-11, http://www.who.int/health_financing/en/how_much_should_dp_03_2.pdf Potvin, Louise. « La santé publique canadienne en état de siège », Revue canadienne de santé publique, vol. 105, no. 6, novembre/décembre 2014, http://journal.cpha.ca/index.php/cjph/article/viewFile/4960/2995

    6 Bélair-Cirino, Marco. « Guerre ouverte au CHUM » Le Devoir, 7 mars 2015, http://www.ledevoir.com/societe/sante/433828/guerre-ouverte-au-chum

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