25 mai 2015
Sandrine Bourget-Lapointe, Laurence L. Dumais et Camille Toffoli, étudiantes en études littéraires à l'UQÀM
Dans la pornographie traditionnelle comme dans les films et les romans d’amour, on voit rarement un personnage s’assurer du consentement de son ou sa partenaire avant d’initier un rapprochement sexuel, ou même toute forme de contact physique. Dans ces scènes, tous les baisers, toutes les caresses semblent agréables pour les deux partenaires et la passion physique apparaît presque systématiquement comme un élan spontané. Comme si les corps parlaient d’eux-mêmes, comme s’il n’était pas nécessaire ni pertinent de discuter pour savoir ce que l’autre désire, pour connaître ses limites et ses préférences. Ces représentations, qui façonnent bien souvent l’idée que l’on se fait du romantisme et d’une sexualité épanouie, offrent toutefois une vision erronée de la manière dont doit, dans la réalité, s’affirmer le consentement.
Dans les campagnes de prévention contre les agressions, on utilise souvent le slogan «Non c’est non!» pour insister sur l’importance de respecter les limites de son ou sa partenaire. Or, l’expression «Oui c’est oui!» apparaît beaucoup plus appropriée lorsque l’on parle du consentement sexuel. Consentir, ce n’est pas seulement «ne pas s’opposer», c’est affirmer son accord de manière explicite et surtout, enthousiaste. Dans le cadre d’un rapport intime, notre principale responsabilité n’est pas tant de dire «non» lorsque les gestes de l’autre nous déplaisent, mais bien de s’assurer que celle-ci ou celui-ci nous dit bel et bien «oui» et ce, avant d’initier une activité sexuelle. Agir selon ce principe constitue le seul moyen de confirmer le consentement. Car une caresse, même si elle est interrompue lorsqu’une forme de désaccord est manifestée, demeure un attouchement non désiré. Et même si le geste commis paraît inoffensif, il peut représenter une atteinte à l’intégrité de l’autre personne. Penser le consentement en fonction du «oui c’est oui» permet également, dans bien des cas, d’éviter les situations ambiguës (celles où on a l’impression que l’autre personne est consentante, alors qu’elle ne l’est, au fond, pas totalement…).
Cela dit, le consentement, même lorsqu’il est exprimé de manière directe et sans équivoque, peut être retiré en tout temps, et ce, même au milieu d’un rapport sexuel. Respecter le consentement d’un ou d'une partenaire implique donc aussi de demeurer constamment à l’écoute et, surtout, de lui demander régulièrement s’il ou elle a du plaisir et a envie de continuer. Même au sein d’un couple, le consentement doit être constamment réaffirmé. Accepter d’être en relation avec quelqu’un n’implique pas de combler tous ses désirs et en aucun cas, le corps de l’autre ne nous appartient.
Il faut aussi souligner que ce n’est pas la nature de l’acte qui détermine s’il s’agit d’une agression ou non, mais bien s’il y a eu accord entre les partenaires. Dès qu’il y a un acte sexuel ou à connotation sexuelle sans consentement, il y a agression. Ainsi, il est essentiel de communiquer à propos de ce que l'on veut faire, mais aussi dans quelles conditions on veut le faire, car la sécurité sexuelle et la contraception entrent aussi dans l'entente entre les partenaires. Quelqu’un peut consentir à un rapport seulement à condition de se protéger. Ne pas respecter le désir de son ou sa partenaire d’utiliser de la contraception et lui mettre de la pression pour discréditer ce choix n’est rien de moins qu’une atteinte à son intégrité.
Le principe du «oui c’est oui» suppose, toutefois, que les deux partenaires se sentent totalement libres d’accepter ou de refuser l’activité sexuelle qui leur est proposée. Or, il existe plusieurs situations où cette liberté de choix ne va pas de soi, où certains facteurs peuvent nous inciter à dire «oui» à des gestes et des attitudes qu’au fond, nous ne désirons peut-être pas réellement. La consommation d’alcool et de drogue peut nuire au consentement éclairé. Avant d’initier un rapprochement dans un party, il vaut mieux se demander si nous serons à l’aise le lendemain avec les décisions que nous prenons durant la soirée. Il faut aussi se questionner sur l’état de notre partenaire : est-ce qu’il ou elle semble lucide? La notion de consentement devient ambiguë dans toute relation où il y a un rapport inégalitaire entre les partenaires. Ce type de rapport survient lorsqu’une relation d’autorité officielle (un ou une professeur-e, un ou une coach de sport, un patron ou une patronne) ou officieuse (personne plus âgée ou populaire que soi, personne qui suscite notre admiration) existe entre deux personnes. Dans un contexte d’intimité, ce genre de rapports peut inciter à accepter des situations avec lesquelles nous sommes inconfortables et que nous aurions refusées dans un autre contexte.
Il est également possible que nous soyons la personne qui se fait dire non. Comment réagir dans une telle situation? Tout d’abord, il ne faut pas insister. Il ne faut pas non plus le prendre personnel. Il se peut que nous soyons déçu-e, que nous ayons envie de comprendre pourquoi, mais il faut laisser à l’autre la liberté de vouloir ou non en parler. On peut donc utiliser des phrases comme : « Je comprends, il n’y a pas de problème. De quoi as-tu envie maintenant? De quoi as-tu besoin? » pour donner à notre partenaire l’espace sécuritaire nécessaire pour s’exprimer si elle ou il le désire. Car même si, dans les représentations traditionnelles, la sexualité et le romantisme se passent souvent de mots, demander le consentement de l’autre à toutes les étapes d’une relation sexuelle est nécessaire. De plus, parler de ses limites et de ses désirs avec l'autre personne aide à développer une relation d'intimité et de confiance. On connaît ainsi mieux notre partenaire, et on parvient bien souvent à lui donner davantage de plaisir. Car contrairement à ce que l’on croit trop souvent, communiquer nos peurs et nos envies, ça peut être très excitant.
-Est-ce que le contexte du rapport est exempt de violence ou de situation abusive (menaces, chantage, pression, etc.)?
-Est-ce que ton ou ta partenaire prend en compte tes besoins, désirs et les considère comme aussi importants que les siens? De ton côté, accordes-tu autant d’importance à tes désirs qu’à ceux de ton ou ta partenaire?
-As-tu le pouvoir, dans cette situation, d’agir selon ta propre volonté, de dire non ou de mettre fin à l’acte, si tu le souhaites?
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